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30 décembre 2011 5 30 /12 /décembre /2011 19:16

treve.jpgSi je n’ai rien écrit ici depuis quelques temps, c’est parce que je respectais scrupuleusement la trêve des confiseurs, cette délicieuse période, cet entre-deux sucré pendant lequel on tente de se remettre des agapes passées.

J’ai toujours adoré cette expression gourmande, « trêve des confiseurs ». On pense aux confiseries, à Noël, à tous ces mets trop vite engloutis, culpabilité mon amie. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est à quel point cette période d’accalmie découle d’une logique diplomatique. La référence historique n’est pas anodine et il est parfois bon de se remémorer les origines politiques de cette décision, la période de fêtes ayant été considérée comme peu propice aux débats les plus houleux.

En ce qui me concerne, depuis que je respecte à la lettre cette précieuse trêve des confiseurs, depuis que j’ai adopté cette posture de diplomate de compétition (une pose très délicate à tenir pour moi, je l’avoue aisément), à savoir n’évoquer aucun sujet qui divise, ne tenir aucun propos engagé, ne pas défendre ce qui s'apparenterait à l’ombre d’une idée, laisser couler, glisser et dégouliner toutes sortes d’incongruités sans sourciller, depuis cette résolution, le traditionnel repas de Noël en famille se passe excessivement mieux. Pour un peu, l’esprit de Noël se manifesterait presque. Plus de cri, plus de larme, plus de portes qui claquent, plus de mots qui blessent non plus, je regarde les mouches voler et j’écoute le chat miauler. D’ailleurs le chat est un bon sujet, rassembleur ; et de même que l’évocation du vent qui souffle fédère la tablée, l’odeur de la dinde qui dore dans le four et l’onctuosité de la bûche Hermé apaisent les esprits.

Et puis la trêve des confiseurs, c’est aussi le plaisir de ne rien faire ou presque entre Noël et le nouvel an. Une sorte de pause avant d’attaquer une nouvelle année, avant de s’emparer de nouveaux projets, de s’empresser de saisir les opportunités à pleines mains. Si j’étais apte à croire mon horoscope, 2012 s’annoncerait comme une année scandaleusement réjouissante. Mais je n’y crois pas : rien à faire avec les astres, trop terre à terre pour cela, n’est pas taureau qui veut, je laisse les étoiles aux rêveurs.

Et puis cette dernière semaine de l’année, c’est aussi un moment de transition. Dans les médias, c’est l’heure des bilans, l’heure de la remise des prix et des médailles ; on compose son palmarès, on trie, on distribue les bons points. Et les mauvais aussi parfois. En unes des quotidiens et des magazines fleurissent les classements et les listes : les 10 meilleurs livres de 2011, les 10 meilleurs films, pas 9, pas 11, non 10. La vie est si belle, tout est si simple, le compte est rond et bon.

A Libé par exemple, ils n’ont pas lésiné : ils ont classé, sous-classé, répété encore, fait des listes pour Noël, des listes rock, des listes hi-fi, des listes larsen et j’en passe, et puis ils ont distingué des figures, ils ont sélectionné des verbatim, des chiffres, des images, des mots. C’est sympathique vous me direz, ce grand retour sur l’année passée. Ou pas, ça dépend d'où on regarde. Au fait en retournant sur le site de Libé jeter un œil sur ces fameuses listes pour écrire ce billet, je suis tombée sur un concept effrayant, « la rencontre par affinité culturelle ». Alors non, désolée, je n’ai pas testé pour vous « la rencontre par affinité culturelle », car aujourd’hui c’était Garou… Il y avait sa photo et puis juste en dessous, il y avait écrit: « ils sont fans, rencontrez-les » avec la photo des fans en question. La vache… A creuser, une prochaine fois peut-être. En 2012.

La trêve des confiseurs, c’est aussi du temps pour souffler, pour prendre du recul, pour envisager des possibilités, pour isoler les bonnes manières de continuer à avancer, pour faire de belles rencontres aussi. Alors non, aujourd’hui je n’ai pas rencontré de fan de Garou, du moins cela m’étonnerait fortement, mais j’en ai profité pour régler des choses, une manière de clôturer sereinement l’année.

Une rencontre plutôt belle en fait. Une belle fin d’année donc. C’était important.

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Avant-propos

"C’est fou, le pouvoir de diversion d’un homme que son travail ennuie, intimide ou embarrasse : travaillant à la campagne (à quoi? à me relire, hélas!), voici la liste des diversions que je suscite toutes les cinq minutes: vaporiser une mouche, me couper les ongles, manger une prune, aller pisser, vérifier si l’eau du robinet est toujours boueuse (il y a eu une panne d’eau aujourd’hui), aller chez le pharmacien, descendre au jardin voir combien de brugnons ont mûri sur l’arbre, regarder le journal de radio, bricoler un dispositif pour tenir mes paperolles, etc. : je drague.

(La drague relève de cette passion que Fourier appelait la Variante, l’Alternante, la Papillonne.)"

Roland Barthes par Roland Barthes

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